Points de vue

Les technologies : un progrès nécessaire qui peut connaître des dérives

novembre 12, 2020

La techno-utopie, un modèle idéal ?

L’utopie technologique (ou techno-utopie) est un paradigme selon lequel l’innovation offre des progrès sociaux Ă©conomique tels, que ces derniers pourraient conduire Ă  un accomplissement total de l’économie de l’abondance, oĂą tout devient gratuit et accessible Ă  tous. Les penseurs de cette thĂ©orie Ă©voquent mĂŞme des changements bĂ©nĂ©fiques dans la nature humaine, qui seraient uniquement dus Ă  la prĂ©sence de technologies. Nous pourrions en effet nous concentrer sur notre existence sociale si les machines peuvent tout faire pour nous. Par exemple, selon Bernard Gendron, internet permettrait de communiquer plus rĂ©gulièrement et entre groupes sociaux diffĂ©rents, rendant l’Homme plus serviable et engagĂ© dans la sociĂ©tĂ©. Il devient ainsi un ĂŞtre politisĂ© qui livre plus librement ses opinions, permettant une plus grande ouverture d’esprit globale.

Cependant, les progrès technologiques peuvent aussi se retourner contre l’idĂ©al qu’ils Ă©taient censĂ©s crĂ©er. Aujourd’hui, les systèmes de vidĂ©o-surveillance dans les villes et les technologies de gĂ©olocalisation, nous poussent notamment Ă  rĂ©flĂ©chir sur les dĂ©rives liberticides que peuvent revĂŞtir ces technologies. Sous couvert de protection de la population, nous nous rapprochons dangereusement d’une surveillance ravivant des souvenirs de rĂ©gimes totalitaires. Un gouvernement malveillant tire toujours profit des technologies Ă  sa disposition pour surveiller et asservir les populations. Nous retrouvons cela aussi dans 1984, le roman dystopique de George Orwell, dans lequel l’État est partout et suit les moindres faits et gestes de sa population grâce Ă  diffĂ©rents outils technologiques. Une phrase revient d’ailleurs toujours « Big brother is watching you ».

Ainsi, malgrĂ© tous les avantages que les innovations peuvent offrir, la limite entre le progrès et la rĂ©gression vers un pouvoir arbitraire est parfois mince. Les citoyens doivent donc toujours se montrer vigilants sur les lĂ©gislations mises en place qui semblent s’attaquer aux libertĂ©s individuelles, tirant parfois profit d’un vide juridique, et toujours veiller Ă  ne pas privilĂ©gier la sĂ©curitĂ© Ă  tout prix ; car comme le disait Benjamin Franklin « un peuple prĂŞt Ă  sacrifier un peu de libertĂ© pour un peu de sĂ©curitĂ© ne mĂ©rite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »

Des contre-cultures pour éviter le totalitarisme

Selon de nombreuses œuvres dystopiques, le progrès poussé à l’extrême peut mener à un pouvoir arbitraire. Dans ces synopsis, les humains sont soutenus constamment par les machines, au point d’être aliénés, surveillés et contrôlés via ces dernières. En parallèle, une mouvance technophobe est apparue dans la deuxième moitié du XXe siècle, dont le Néo-luddisme. Cette dernière est à l’origine de nombreuses Zone à Défendre (ZAD) qui s’opposent à la construction de grands projets d’infrastructure.

Cette mouvance est extrĂŞme mais n’est pas sans fondement. En effet, si les innovations en matière de communication permettent actuellement de contacter n’importe quelle personne sur la planète, elles enlèvent aussi une part d’humanitĂ© Ă  la discussion, en ne permettant pas de dĂ©tecter les signes non-verbaux pourtant essentiels Ă  tout rapport humain. Selon une Ă©tude parue dans RĂ©seaux en 2016, Facebook ne renforce que les liens sociaux faibles, soit des rapports uniquement occasionnels ou brefs entre les individus. Aussi, si une personne est isolĂ©e, elle ne va pas devenir sociable grâce Ă  aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), puisqu’uniquement 12 % des interrogĂ©s pensent qu’ils ont plus d’amis « hors ligne », grâce Ă  Facebook.

Sans aller vers un extrĂŞme, il existe aussi le mouvement low tech. Ses adaptes ont intĂ©grĂ© l’importance du progrès technique pour la sociĂ©tĂ© mais limite son utilisation, pour ne pas arriver Ă  un point oĂą toute relation pourrait ĂŞtre dĂ©shumanisĂ©e ou forcĂ©ment liĂ©e Ă  une machine.

Alors, utopie ou dystopie technologique ? l’avenir nous le dira ! Et c’est nous qui serons responsables. S’il semble dĂ©sormais ancrĂ© que la technologie peut faciliter notre vie quotidienne, il faut aussi comprendre les dĂ©fauts potentiels d’une innovation, ainsi que les intentions de ceux qui l’utilisent.

TAGS: Technologie

POSTED BY: Marie Leveau

Marie Leveau